samedi 5 novembre 2011

26.2



I DID IT.
Le 30 octobre, il m'a fallu exactement 3h53'28" pour entrer dans le club des 26.2.
Comprenait que je venais de réaliser un rêve. 42, 195 km de bonheur, de souffrance et d'intense douleur pour toucher au paradis.
L'idée me trottait dans la tête depuis de nombreuses années.
A l'aube de mes trentes je m'étais dit que le temps était venu de passer de la rêverie à l'action.
Mais le temps passant, avec toujours une excuse pour repousser, mes 30 ans étaient arrivés plus tôt que prévu, et toujours pas un marathon sous le pied.
Un sentiment de trahison envers ma personne commençait insidieusement à s'immiscer. Ne pouvant plus en supporter d'avantage, j'avais pris le taureau par les cornes et m'étais inscrit en juillet dernier pour ce fameux Atlanta Marathon.
Après de trop nombreux mois clairsemés de footing éparses par ci par là, la tache était ardue. L'été a donc été consacré à une remise en forme sous la canicule géorgienne. Cela m'a permis d'attaquer pied au plancher la préparation du marathon en septembre. Un peu trop d'ailleurs. Commencé sur les chapeaux de roue, l'entrainement n'en est devenu que plus difficile, et je dois bien l'avouer fastidieux, voir même carrément ennuyant par moment. Quand bien même le soleil était à son zénith, la température idéale et la circulation automobile sporadique, c'était long de courir 2h tout seul.
C'était donc non sans peine, mais avec le sentiment du devoir accompli, que me voilà en short, dans la nuit, au milieu d'une foule d'inconnu, un dimanche matin à 7h. Au passage respect à ma bien aimée qui m'a aidé, soutenue, assisté et aimé tout au long de cette histoire. Elle s'est levée tôt et a bravé le froid pour être à mes cotés. Merci mon cœur.
Et c'est ainsi que me voila de bon matin parti dans les rues d'Atlanta en compagnie d'homme et de femme de tout âge, de toute origine et de tout rang social. Tous égaux et humbles, animés par seul but de rallier la ligne finale.
La première heure fut du pur bonheur. C'était le temps où l'on flanne sur un train de sénateur. Malgré l'heure matinale, nombre de gens sont dans la rue à nous encourager. Le levé du soleil fut très agréable. La morsure du froid sur mes mollets faisant place à une douce chaleur réconfortante. C'était le temps de l'insouciance.
La deuxième heure, je commencais à me dire que les choses sérieuses allez bientôt commencer. Le passage à mi parcours était un peu rapide, mais aussi bien le corps que l'esprit était en pleine possesion de ses moyens. Tout allez pour le mieux, pas d'inquiétude. Je me prenais à rêver à un temps extraordinnaire de moins de 3h30, facile.
Mais peu après la deuxième heure, au 16ème miles, Piedmond park m'a rappelé à l'ordre. Il faut toujours resté humble face à soi-même. Le parcours du marathon fut très éprouvant. Il y avait un nombre incalculable de cotes. Celle de Piedmond Park a sonné le glas de mes ambitions chronométriques. Rien ne fut plus pareil après. J'ai bien cru revivre un court instant dans la descente qui a suivie, mais le virage à droite enchainant sur une nouvelle montée m'a fait très mal.
Après ça, le vide, le néant, le chaos. Mon esprit a cessé d'exister. Les jambes ont avancé encore quelques foulées, telle une grenouille décapitée sautant de paillasse en paillasse pour faire hurler les étaudiantes et s'esclaffer les étudiants.
Ensuite du 18 au 20ème miles, c'était l'enfer. Plus rien ne répondait. Mon corps ne m'appartenait plus. Il me suppliait d'en finir. Ma tête refusait le combat, et une logique implacable s'imposa. "Pourquoi diable se faire autant souffrir, alors qu'il serait si simple de rentrer à la maison boire une bonne bière bien fraiche devant cette maudite télévision? Après tout c'est dimanche, le jour du seigneur, on picole et on se repose en bon catholique (que je ne suis pas)". Un genoux à terre, j'étais près à subir l'infamie de l'abandon contre un peu de réconfort futile.
Heureusement, j'avais un mantra en réserve pour pallier à mes faiblesses. J'ai pensé à ma femme bien aimé qui m'attendait fièrement sur la ligne d'arrivée. Je ne pouvais lui faire l'affront d'un coup de téléphone d'un inconnu lui avouant mon abandon, et lui demandant présentement de venir récupérer son incapable de mari. Et comme toujours dans pareil moment, sans même le savoir son amour m'a sauvé.
Chemin faisant, tiraillé entre la résistance et la capitulation j'étais arrivé je ne sais comment à rallier le point de ravitaillement du 20ème miles. Après une bonne collation, le cerveau a retrouvé assez d'énergie pour reprendre le dessus, et me voilà repartie bon grès et surtout mal grès vers la ligne d'arrivé.
A ce moment là, mon corps n'était plus que douleur. Chaque impact sur le sol était comme un coup de poignard s'enfonçant plus profondément dans mon âme. Les encouragement des gens me voyant souffrir le martyr m'ont fait avancé, mètre après mètre. Toutes ces personnes ont été adorable avec leur sourire, leur applaudissement et leur "You looks good", "good job" ou bien encore "you can do it". A ce moment donné, mon mantra à moi était des plus simples, et néanmoins des plus efficace "Keep going on".
Arrivé au 24ème miles, ce fut la délivrance. A ce moment là, je savais que j'allais le faire, plus aucun doute. Le masque de souffrance a fait place à un large sourire. Aussi difficile soit-il, les 2 derniers miles de cette épreuve furent un des moments les plus heureux de ma courte existence. Et dieu sait que j'ai eu de fabuleux moments dans ma vie. Ce n'est donc pas peu dire.
Les sensations sont difficiles à nommer tellement elles étaient intenses. J'étais sur nuage voguant vers le paradis, pousser par une vague d'euphorie, le cœur gonflé par le bonheur et l'amour d'exister, d'être là et d'avancer.
Dans un long silence, après une dernière montée me voilà à quelques encablures de l'olympe. Je revois parfaitement cette jeune femme sur le bord de la route nous applaudissant, le regard plein d'admiration. A mon passage elle me remercia, et me dis que nous étions son inspiration. Ces quelques mots d'une parfaite inconnue me sont allés droit au coeur. Ça restera un des souvenirs les plus forts de cette épreuve.
Encore quelques pas, et je commençais tout doucement à percevoir le bruit de la foule. Un dernier virage à droite, et la ligne salvatrice était en vue. L'ambiance était extraordinaire. Tous les coureurs étaient accueillis en héros dans un tintamarre digne d'une étape alpestre du Tour de France.
Et au milieu de la foule, ma femme qui m'attendait avec un large sourire, le regard rempli de fierté et aussi, elle ne pouvait le cacher, d'un certain soulagement.
Voilà en quelques mots ma glorieuse épopée.
Avant le départ une amie m'avait demandé pourquoi je voulais courir un marathon. Imaginé mon embarra ne trouvant pas de réponse face à une question aussi simple.
Depuis j'y ai beaucoup réfléchie. Déformation professionel oblige, je me suis renseigné, j'ai fait des recherches. J'ai lu plusieurs histoires relatant l'expérience et le ressentie de gens de tout horizon. Le culte de l'effort, le dépassement de soi, atteindre ses limites et apprendre à mieux se connaitre sont des composantes indispensables à prendre en compte dans ce genre de défi. Mais bien que nécessaire, ce n'est pas suffisant.  Il m'a fallu 42, 195 km pour le comprendre. Si je rêvait de courir cette distance mythique, c'était pour une seule chose: l'aventure.
Paolo Coelhlo a écrit qu'il faut être le héros de sa vie. Depuis, ce fameux matin du 30 octobre 2011, je suis mon héros.

A+
Arnaud






2 commentaires:

  1. Wouuuuuhhh !! Tu as du mettre une journée à écrire tout ça !!!
    Mais en tout cas , FELICITATIONS !!!!!! =) =)
    Je sais pas comment tu fait à courir comme ça!=O
    Au bout de 5 minutes je suis déjà crevée moi !!! =) =) =) lol
    Je suis contente pour toi .
    Tu pourrais écrire des livres toi !! Tu parles comme un écrivain ! : " Telle une grenouille décapitée sautant de paillasse en paillasse pour faire hurler les étudiants ... " Tu as imagination de dingue !! bon allez , j'arrête mon baratin .

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